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Gail Ouellette, Ph.D. CGAC, Généticienne/conseillère en génétique, Regroupement québécois des maladies orphelines Québec, Canada http://www.linkedin.com/profile/view?id=108787930&trk=hb_tab_pro_top Site web: www.rqmo.org Voir notre page Facebook

mercredi 25 septembre 2013

Dépistage de maladies métaboliques héréditaires chez les nouveau-nés: recommandations pour le Québec


L'institut national d'excellence en santé et en services sociaux (INESSS) vient de rendre public son rapport " Pertinence d'élargir le programme de dépistage néonatal sanguin au Québec.". Un comité composé de plusieurs professionnels de la santé dont la pratique est étroitement liée à ces maladies, d'un parent et d'une représentante du Regroupement québécois des maladies orphelines, s'est réuni pendant six mois pour analyser des données colligées par l'équipe de l'INESSS. Le but était de décider des maladies pertinentes pour le programme de dépistage néonatal sanguin utilisant la technologie de la spectrométrie de masse en tandem. 

Vingt-une (21) maladies métaboliques ont été recommandées pour le dépistage chez les nouveau-nés au Québec (voir recommandations ci-après) et qui pourraient s'ajouter à quatre maladies déjà dépistées (phénylcétonurie, tyrosinémie, hypothyroïdie congénitale et déficit en acyl-CoA déshydrogénase des acides gras à chaîne moyenne). Le travail du comité s'est fait de façon organisée et sérieuse et a donné lieu à des discussions franches et ouvertes. Ces maladies ou une partie de celles-ci font partie des programmes de dépistage néonatals dans la plupart des autres provinces canadiennes. 


La grande préoccupation du comité n'était pas en fait la question d'étendre ou non le programme de dépistage québécois à d'autres maladies, mais plutôt les défis organisationnels que pose cette expansion. En effet, cela suppose une augmentation de résultats positifs à confirmer. Il faut donc une organisation de la prise en charge initiale pour confirmer le diagnostic et si le diagnostic est confirmé chez le bébé, il y aura une charge de travail accrue pour les professionnels des cliniques spécialisées (médecins généticiens, infirmières, conseillères en génétique et diététistes). Cela nécessitera un accroissement des ressources en génétique.


Enfin, il faudra un meilleur encadrement et surveillance du programme, une uniformisation des protocoles de traitement, un accès à de l'information pour les parents, toutes des lacunes des programmes passés. C'est pourquoi le comité a recommandé que les 21 maladies soient introduites dans le programme de dépistage en trois vagues successives pour que toute l'organisation nécessaire se mette en place progressivement.


Le travail de l'INESSS n'a été qu'un travail d'évaluation et de recommandation. Il faut maintenant attendre les décisions à savoir si on accordera les budgets pour mettre en place ce nouveau programme de dépistage plus performant. Il y en aura pour dire que cela coûtera trop cher, que ce n'est pas une priorité (voir blogue précédent sur le même sujet). Premièrement, ces maladies demeurent des maladies très rares. Oui, il y aura augmentation de positifs au dépistage et de cas diagnostiqués parce qu'enfin on se sera doté d'une technologie de dépistage efficace. Par contre on aura sauvé des vies, diminué le temps d'errance de familles à la recherche d'un diagnostic et diminué la morbidité associée à ces maladies, dont des handicaps intellectuels sévères. 

À une époque où on parle tellement des avancées de la génétique et où on découvre un nouveau gène à chaque jour ou presque, il est absurde qu'il n'y ait pas plus de ressources en génétique médicale sur le terrain, qu'on hésite à accorder les budgets nécessaires à l'organisation d'un programme de dépistage d'une qualité équivalente à tout autre programme de dépistage en santé. À une époque aussi où on fait l'éloge des soins de santé personnalisés (qu'est-ce qui peut être plus "personnalisé" que de dépister une maladie dès la naissance du bébé et d'appliquer le traitement en conséquence pour éviter la mort ou une maladie grave?), pourquoi ces maladies ne feraient pas l'objet d'une politique de santé publique. D'autant plus que les maladies concernées sont des maladies connues depuis au moins 60 ans et dont certaines sont dépistées depuis 40 ans. 


Un programme québécois de dépistage néonatal qui serait à la hauteur de ce qui se fait dans d'autres provinces canadiennes ou pays serait un premier pas vers une meilleure prévention et prise en charge de maladies rares dans notre système de santé. Mais ce ne sont qu'une vingtaine de maladies parmi des milliers. C'est pourquoi il faut une stratégie plus globale pour que l'ensemble des maladies rares soit traité de façon équitable aux autres maladies dans notre société.
*   *   *

Les recommandations de l'INESSS (extrait du rapport " Pertinence d'élargir le programme de dépistage néonatal sanguin au Québec" page 43):


« À la lumière de son évaluation, l’INESSS conclut qu’il serait pertinent de dépister toutes les maladies ciblées dans le présent document dans le contexte de l’élargissement du PQDNS, mais à des degrés divers, et fait les recommandations suivantes :

1. L’élargissement du PQDNS au dépistage par MS-MS des maladies ciblées doit être fait de façon progressive en vue d’une implantation en trois vagues successives, à savoir :
·         première vague : HHH, HCY, ASA, GA-1, ARG, LCHADD-MTP et VLCADD;
·         deuxième vague : IVA, CIT-1, CIT-2, CUD, PA et MMA;
·         troisième vague : MCD, HMG, BKT, 3-MCC et MSUD.  [voir abréviations ci-dessous]
2. Le dépistage du BIOT et de la GALT doit être instauré parallèlement à l’élargissement du dépistage par MS-MS. [Ces maladies sont dépistées par une autre technologie que le MS-MS]

3. Les conditions organisationnelles nécessaires à l’élargissement d’un dépistage en vue de l’étendre à l’ensemble de ces maladies doivent être en place et incluent notamment : une gouverne du programme de dépistage néonatal selon un mandat clair; des ressources suffisantes ayant trait aux urgences métaboliques potentielles, au conseil  génétique et aux services de laboratoire, organisées dans une vision d’ensemble pour le  Québec; un cadre relatif à la divulgation des résultats secondaires; des protocoles de confirmation diagnostique et de suivi faisant consensus parmi les cliniciens. »

Abréviations maladies
ARG Hyperargininémie
ASA Acidurie argininosuccinique
BKT Déficit en bêta-cétothiolase
BIOT Déficit en biotinidase
CIT-1 Citrullinémie classique
CIT-2 Citrullinémie de type 2
CUD Défaut de captation de la carnitine cellulaire
GA-1 Acidémie glutarique type 1
GALT Galactosémie
HCY Homocystinurie classique
HHH Syndrome triple H (hyperornithinémie-hyperammoniémie-homocitrullinurie)
HMG Acidurie 3-hydroxy-3-méthylglutarique
IVA Acidémie isovalérique
LCHADD Déficit en 3-hydroxyacyl-CoA déshydrogénase des acides gras à chaîne longue
3-MCC 3-méthylcrotonyl glycinurie
MCD Déficit en holocarboxylase synthétase (ou forme néonatale du déficit multiple en
carboxylases)
MMA Acidémie méthylmalonique
MSUD Leucinose (ou maladie du sirop d’érable)
MTP Déficit en protéine trifonctionnelle mitochondriale
PA Acidémie propionique
VLCADD Déficit en acyl-CoA déshydrogénase des acides gras à chaîne très longue

Autres abréviations
INESSS Institut national d’excellence en santé et en services sociaux
PQDNS Programme québécois de dépistage néonatal sanguin
MS-MS Spectrométrie de masse en tandem



mercredi 4 septembre 2013

La prévention: pourquoi pas pour les maladies rares aussi?


On le sait la prévention est importante: mieux vaut prévenir que guérir. On a des programmes de prévention du diabète, de maladies cardiovasculaires, de différents cancers, de maladies infectieuses (programmes de vaccination), etc. On prône de meilleurs habitudes de vie (meilleure alimentation, exercice, pas de tabac). Pourquoi, du fait qu'elles ont eu le malheur d'être atteintes d'une maladie rare, certaines personnes n'ont-elles pas le droit à la prévention de leur maladie comme d'autres dans notre société? Une prévention qui sauverait leur vie ou qui préviendrait des séquelles graves de leur maladie?

Le dépistage de maladies héréditaires métaboliques et d'autres types de maladies chez les bébés à la naissance est aussi une forme de prévention (dépistage néonatal). Cependant, on n'y accorde pas la même attention dans toutes les provinces du Canada. La semaine dernière, l'Ontario annonçait qu'il ajoute une nouvelle maladie aux maladies déjà dépistées chez les nouveau-nés dans cette province. Le dépistage de l'immunodéficience combinée aiguë sera maintenant ajoutée à la liste, ce qui fait 30 maladies dépistées en Ontario sur une petite goutte de sang prélevée du talon du bébé à deux jours de vie. Au Québec, officiellement nous en dépistons 16 maladies: 3 maladies sont dépistées sur le sang depuis près de 40 ans (phénylcétonurie, tyrosinémie et hypothyroïdie congénitale) et 12 le sont par le dépistage urinaire. Cependant, la technique utilisée pour ces 12 maladies est désuète et non optimale. En fait, le Québec était la seule province à ne pas encore utiliser la nouvelle technologie qui peut dépister une vingtaine de maladies à la fois sur une goutte de sang...jusqu'à l'automne 2011 lorsqu'elle a commencé à l'utiliser pour une nouvelle maladie (MCADD). Donc, on peut dire que le Québec est bien en retard.

Cependant, suite à des pressions - entre autres des parents d'un enfant atteint de l'acidémie propionique qui n'avait pas été dépisté et du RQMO par le biais d'une pétition à l'Assemblée nationale - le Dr Bolduc a mandaté l'Institut national d'excellence en santé et en services sociaux (INESSS) à étudier la question de l'ajout de maladies au programme de dépistage néonatal au Québec. Un comité s'est réuni en 2012-2013 et a déposé son rapport au ministre Hébert. Ce rapport devrait être rendu public le 24 septembre.

Suite à l'annonce que l'Ontario ajoutait une nouvelle maladie, non dépistée ailleurs au Canada, plusieurs se sont interrogés (incluant les médias: écouter les entrevues de Gail Ouellette aux radios francophones de Radio-Canada à travers le Canada; http://www.rqmo.org/medias.html) - sur pourquoi il y a des différences entre provinces sur ce plan. Autrement dit, un bébé naissant qui serait atteint de l'une d'une cinquantaine de maladies pouvant être dépistées, n'aurait pas la même chance de survie ou la même qualité de vie dépendant où il est né au Canada, car il ne serait pas diagnostiqué tôt et traité assez tôt. En effet, au Manitoba, ils dépistent 48 maladies tandis que dans les provinces de l'Atlantique, on en dépiste 14!

Les maladies dépistées par ces programmes sont des maladies rares. Ni au fédéral, ni dans aucune province, il n'y a de définition, de reconnaissance, de plan pour les maladies rares. Il n'y a jamais eu de plan ou de recommandation fédérale concernant le dépistage de maladies chez les nouveau-nés au Canada. C'est laissé aux provinces.

Comme par rapport à d'autres aspects, les maladies rares sont négligées pour ce qui est de leur prévention. On entend certains dire que les programmes de dépistage néonatal sont trop chers pour des maladies si rares, pour dépister si peu de bébés au bout du compte. Mais cela est faux:
1) Avec la nouvelle technologie utilisée depuis les années 2000, on peut dépister une vingtaine de maladies métaboliques héréditaires en même temps sur un seul petit échantillon de sang: en faire 10 ou 20 ne fait pas une grande différence.
2) Dans un rapport produit par l'AETMIS au Québec en 2007, on a estimé qu'il en coûterait annuellement environ 255 000$ pour un laboratoire de dépistage avec cette nouvelle technique (l'appareil, le temps de technicien, etc.) et que cela coûterait seulement 5,00$ l'unité pour la maladie MCADD et que l'ajout de maladies ne représenterait que peu de frais. En Ontario, on a déjà estimé que faire la vingtaine de maladies par cette technologie coûte environ 25,00 $ l'unité. Un tel montant, dans notre budget de la santé est comme une goutte d'eau dans la mer. Cependant, il est vrai qu'en plus, il faut calculer les ressources nécessaires sur le terrain (médecins, infirmières, diététistes, conseillères en génétique).
3) Le diagnostic et traitement précoces de ces maladies sauvent des sous à notre système de santé et surtout réduit le fardeau psychosocial de ces familles.

Pourquoi alors toujours dire que cela coûte cher, que l'on ne peut mettre l'argent dans de tels programmes? Parce que le préjugé que ces maladies sont trop rares, qu'elles touchent trop peu de personnes, persiste toujours. Oui, individuellement ces maladies sont rares, mais prises ensemble, elles touchent un nombre significatif de personnes. On estime qu'environ 500 000 personnes sont touchées par une maladie rare au Québec (plus de 2.5 millions au Canada). Un estimé a été fait à l'effet qu'un bébé sur 800 naît avec l'une ou l'autre des maladies que l'on peut dépister. Au Québec, depuis l'instauration des activités de dépistage dans les années 1970, plus de 1 000 bébés ont été diagnostiqués avec l'une ou l'autre des 16 maladies dépistées (et c'aurait pu être plus si nous avions adopté plus tôt la technologie plus performante pour les maladies métaboliques).

Maladies rares ou communes devraient avoir les mêmes services proportionnellement. N'importe qui peut avoir un bébé atteint d'une maladie rare ou n'importe quel adulte peut en développer une au cours de sa vie.

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Information supplémentaire: lire l'article du RQMO sur le dépistage néonatal: http://www.rqmo.org/PDF/Depistage_neonatal_Quebec_RQMO.pdf

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