Qui êtes-vous ?

Gail Ouellette, Ph.D. CGAC, Généticienne/conseillère en génétique, Regroupement québécois des maladies orphelines Québec, Canada http://www.linkedin.com/profile/view?id=108787930&trk=hb_tab_pro_top Site web: www.rqmo.org Voir notre page Facebook

dimanche 13 octobre 2013

Errance diagnostique, en passant par la psychiatrie! Syndrome Ehlers-Danlos – 2ième partie


Eurordis, le regroupement des maladies rares pour toute l’Europe a fait une enquête sur les maladies rares de 2003 à 2008. Ils ont sondé 414 familles aux prises avec le syndrome Ehlers-Danlos (SED). Quelques résultats :

-          50% des personnes ont été diagnostiquées après 29 ans (25% après 41 ans)
-          58% ont consulté plus de 5 médecins avant d’obtenir le diagnostic
-          20% ont consulté plus de 20 médecins
-          56% ont eu un ou plusieurs mauvais diagnostics
-          20% ont été référés à la psychiatrie
-          70% ont eu des traitements inappropriés

Parmi près de 300 personnes qui ont répondu au sondage du RQMO sur les maladies rares au Québec, 8 répondantes avaient le syndrome Ehlers-Danlos. Quelques résultats :

  • 7/8 des répondants : plus de 10 ans pour le diagnostic (les plus longs : 28 et 31 ans; le plus court : 1 an pour un enfant de 11 ans)
  • pour 5/8, cela a pris plus de 5 médecins
  • 6/7 ont dit qu’il avait été « difficile » ou « très difficile » d’obtenir une consultation en génétique



Pourquoi tant de temps en moyenne pour diagnostiquer cette maladie héréditaire? Parce que les médecins ne peuvent connaître en détail les 7 000 maladies rares et, en général, ils ne retiennent du syndrome Ehlers-Danlos (s’ils en ont déjà entendu parler) que ce n’est qu’une maladie bénigne des jointures et de la peau. Ils ne pensent pas que les autres symptômes rapportés par leurs patients (gastro-intestinaux, neurologiques, hypotension, douleurs autres qu’articulaires, fatigue, etc.) sont associés au SED. De plus, puisque les filles/femmes sont plus sévèrement atteintes, comme pour d’autres maladies rares, ont pensent qu’elles exagèrent, que l’anxiété est la cause de leurs symptômes considérés non spécifiques ou que c’est « dans leur tête ». C’est pourquoi, après avoir constaté qu’elles ont consulté tant de médecins différents, certains les réfèrent en psychiatrie. Sinon, on leur assigne d’autres diagnostics. Voici une liste des autres diagnostics évoqués selon une enquête du Dr Claude Hamonet auprès de 135 de ses patients atteints de SED :

-          Troubles psychiques                                       65%
-          Maladies rhumatismales                                  44%
-          Fibromyalgie                                                  35%
-          Maladies neurologiques                                  33%
-          Maladie de Marfan                                        18%
-          Syndrome des enfants battus                          15%
-          Maladie de Crohn ou coeliaque                      14%
-          Sclérose en plaques                                       13%

Cette errance diagnostique a évidemment un impact énorme sur la personne atteinte et sur son entourage. À force de ne pas trouver la réponse à ses maux ou de ne pas être crue, elle devient agressive, perd confiance en notre système de santé et elle peut sombrer dans la dépression. Les personnes autour d’elle finissent par douter et certains s’éloignent. De plus, dans l’intervalle d’un diagnostic correct – s’il arrive un jour – des traitements ou des interventions inappropriés peuvent être pratiqués. Aussi, étant à la recherche de soulagement pour leurs douleurs chroniques, il arrive qu’on les accuse d’être accros aux médicaments antidouleurs.
*  *  *

Visionnez cette vidéo d’un sketch fait au Forum sur les maladies rares organisé par le Regroupement québécois des maladies orphelines (la femme dans le sketch joue son propre rôle) : 

vendredi 11 octobre 2013

Comment une maladie héréditaire décrite il y a 100 ans peut-elle encore être si mal connue et reconnue? Syndrome d’Ehlers-Danlos – 1ère partie.


Imaginez ceci : vous vous déboîtez une ou deux articulations par jour au point où vous n’osez plus marcher ou bouger; vous avez souvent des étourdissements et parfois des évanouissements; votre mâchoire se disloque durant la nuit; vous avez depuis longtemps du reflux gastro-oesophagien et le côlon irritable; vous passez de frissons à bouffées de chaleur; vous faites facilement des ecchymoses; vos plaies guérissent lentement et mal; vos gencives et votre nez saignent régulièrement; vous souffrez de douleurs chroniques (dorsales,  abdominales, migraines, etc.); votre souffle est court; vous avez toutes sortes de sensations bizarres (picotements dans les membres, il vous semble entendre les sons plus forts, votre corps vous semble lourd, etc.);  votre dentiste ne réussit pas à vous geler la bouche pour une intervention; vous êtes très fatigué; etc, etc…

Cela fait des années que vous consultez des médecins. Lorsque vous étiez enfant, ceux-ci vous disaient que vos articulations étaient un peu laxes et que ce n’était pas grave, que vous pourriez être contorsionniste au cirque. On vous disait que vos douleurs étaient des douleurs de croissance. Lorsque vous aviez de la difficulté à marcher ou à participer à votre cours d’éducation physique, on vous traitait de fainéant. On a dit à votre mère qu’elle s’en faisait trop, qu’elle était trop couveuse, que « c’est dans votre tête ». On vous a envoyé – vous et votre mère - consulter un psychologue. Depuis que vous êtes adulte – et surtout si vous êtes une femme! -  on trouve que ça ne se peut pas tous ces symptômes, que c’est psychosomatique ou la fibromyalgie ou le syndrome de fatigue chronique. Malgré le fait que vous avez eu trois chirurgies au genou, que vos ligaments sont déchirés de façon permanente, que vous avez bursites et tendinites, vous n’obtenez pas d’aide pour la réadaptation physique. Vous allez voir un physiothérapeute, mais cela vous fait plus de mal que de bien. Vous vous blessez au travail, mais les médecins de la compagnie et de la CSST contestent votre réclamation. Vous essayez de travailler à temps partiel. Vous demandez d’être relocalisé à un poste moins physique : c’est refusé. Vous essayez d’avoir un congé temporaire du travail, mais le médecin ne veut pas vous arrêter plus que deux semaines. Vous ne pouvez pas retourner faire votre travail, la compagnie va donc vous mettre à la porte. Qu’allez-vous faire?

Vous faites d’autres recherches sur Internet et finalement vous trouvez que vous ressemblez beaucoup à des personnes qui disent avoir le syndrome d’Ehlers-Danlos. Vous trouvez une page sur le syndrome sur le site web du Regroupement québécois des maladies orphelines (RQMO). Vous les appelez et on vous réfère à un service de génétique pour faire le diagnostic. Enfin, vous obtenez un diagnostic du syndrome d’Ehlers-Danlos après 34 ans! Ce n’était pas dans votre tête!

Le syndrome en question, le syndrome d’Ehlers-Danlos est pourtant une maladie qui a été identifiée il y a plus de 100 ans. Au début, on croyait que ce n’était qu’une maladie des articulations et de la peau. On estime qu’environ 1 personne sur 2 500 à 5 000 en souffre. Enfin, depuis plus de 15 ans, on reconnaît que cette maladie est plus complexe et qu’elle comporte beaucoup plus de manifestations que l’hypermobilité des jointures et une peau supposément hyperélastique. C’est une maladie qui touche presque tous les organes et systèmes du corps, parce que c’est une maladie du tissu conjonctif qui constitue 2/3 du volume de notre corps et a de nombreuses fonctions en plus des fonctions de soutien.

Malgré le fait que cette maladie a plus de 100 ans et qu’elle n’est pas la plus rare des maladies rares, l’histoire racontée ici est typique d’une femme qui appelle au Portail Info Maladies Rares du RQMO après qu’elle se soit diagnostiquée elle-même, car le milieu médical l’a ignorée. 

Visionnez cette vidéo pour un autre témoignage: http://www.youtube.com/watch?v=1VUf3rTxC-Y&feature=youtu.be


Lire la suite sur le syndrome d’Ehlers-Danlos prochainement sur ce blogue.