DE
NOMBREUX QUÉBÉCOIS ATTEINTS DE MALADIES RARES N’ONT PAS ACCÈS À DES TRAITEMENTS
DISPONIBLES
Un autre événement qui a
retenu l’attention du Regroupement québécois des maladies orphelines la
semaine dernière: la publication de la mise à jour des listes de médicaments
remboursés par la RAMQ. L’INESSS (Institut national d’excellence en santé et en
services sociaux) est l’organisme québécois qui évalue les médicaments pour
remboursement par le Régime général d’assurance médicament ou pour utilisation
dans les hôpitaux. Le lundi 3 juin, l’INESSS a publié ses plus récentes décisions
concernant des médicaments soumis par des fabricants. Au moins quatre médicaments pour des maladies rares faisaient partie de cette liste. Trois d’entre eux ont eu un avis de refus (ils ne seront donc pas inclus sur les listes de médicaments remboursés) et pour le quatrième médicament, la décision a été remise à plus tard pour la cinquième fois!
Pour être soumis à l’INESSS, ces médicaments
ont d’abord été approuvés pour la mise en marché par Santé Canada. Enfin, c’est
le ministre de la Santé du Québec qui donne son approbation finale ou non aux
décisions de l’INESSS.
L'un des médicaments orphelins refusé est la vélaglucérase
alfa (VPRIVMC ) pour le traitement de la maladie de Gaucher de type
I. Il constitue le troisième traitement approuvé par Santé Canada pour cette maladie.
Tous les trois ont été refusés pour remboursement au Québec. La raison donnée
pour le refus de remboursement de la vélaglucérase alfa est qu’elle ne
répondrait pas aux critères de l’INESSS pour sa valeur thérapeutique. Le
problème c’est que la méthode d’évaluation utilisée et qui a été établie pour
les maladies communes ne peut pas s’appliquer aux traitements pour les maladies
rares. Cela a été reconnu clairement en 2007, lorsque dans sa Politique du
médicament, le Québec a affirmé la nécessité d’établir un cadre d’évaluation
spécifique pour les maladies rares. En 2013, on attend toujours ce cadre.
D’ailleurs,
dans son rapport l’INESSS présente des facteurs propres à la maladie
contribuant à l’insuffisance des données (petits échantillons, considérations
éthiques, lenteur de l’effet du médicament, etc.) et il affirme que cette
insuffisance de données ne permet pas d’établir la valeur thérapeutique de la
vélaglucérase alfa, malgré le fait qu’il concède que ce médicament est efficace
pour le traitement de la maladie de Gaucher sur la base de plusieurs paramètres
mesurés dans les études. De plus, on dévoile dans le rapport que plusieurs
membres du comité d’évaluation se sont abstenus de voter en raison de leur
incapacité à se prononcer à l’intérieur du cadre d’évaluation utilisé actuellement.
Ce comité perd son temps en utilisant la méthode d’évaluation actuelle :
depuis 2004, six médicaments pour le même type de maladie que la maladie de
Gaucher ont été refusés pour remboursement (sauf un qui est remboursé pour les
bébés diagnostiqués avec la maladie de Pompe avant un an de vie, mais pas pour
les autres personnes atteintes). Pourtant, cela ne veut pas dire que ces
médicaments ne sont pas efficaces chez certaines personnes. Tous les patients
devraient avoir l’occasion de les essayer au moins. De plus, on observe des disparités entre les provinces du
Canada quant à l’évaluation et à l’accès pour un même médicament. Il
est donc urgent de discuter et de mettre en place un autre système pour évaluer
les médicaments orphelins au Québec.
Le deuxième médicament
refusé est l’ivacaftor pour le traitement de la fibrose kystique. Il est
utilisé pour traiter les enfants de 6 ans et plus ayant une mutation spécifique
dans le gène associé à la fibrose kystique. Ces enfants représenteraient
seulement environ 3 % des individus atteints de la fibrose kystique. Ce
médicament innovateur est le premier traitement pour la fibrose kystique qui
s’attaque directement au mécanisme de la maladie. Le comité de l’INESSS a reconnu
la valeur thérapeutique de l’ivacaftor. Cependant, c’est en calculant le
rapport du coût à l’efficacité que le médicament ne passe pas le test pour le
remboursement. Que vont faire les personnes atteintes de maladies rares si
leurs traitements sont coûteux du fait que ce sont des maladies rares, que les
thérapies sont souvent innovatrices et que le marché de vente est restreint
pour les compagnies qui les fabriquent? Il faut trouver des solutions, tant du
côté des pharmaceutiques que du côté du gouvernement payeur, car une partie de
la population n’a jamais accès aux traitements disponibles et approuvés pour
leur maladie.
Le troisième médicament qui
a essuyé un refus est le pirfénidone (EsbrietTM) pour le traitement
de la fibrose pulmonaire, une maladie plus fréquente que les trois autres, mais
néanmoins considérée rare. L’INESSS estime qu’il ne satisfait pas les critères
de la valeur thérapeutique. Les deux études présentées par la compagnie
pharmaceutique étaient contradictoires. L’INESSS considérait que le nombre de
patients participant à l’étude (n= 170) était acceptable, mais il n’est
peut-être pas suffisant pour montrer un effet cohérent.
Pour ce qui est du quatrième
médicament, le dichlorhydrate de saproptérine (KuvanTM) pour le
traitement de la phénylcétonurie, la décision de l’INESSS a été remise pour la
cinquième fois. Il a été accepté comme médicament d’exception pour les femmes
enceintes atteintes de la maladie, mais toujours pas pour l’ensemble des
enfants et adultes atteints de la phénylcétonurie. Là encore, c’est le premier
médicament développé et approuvé pour cette maladie qui est habituellement
traitée par une diète très sévère sans protéines et avec des aliments spéciaux.
Ce traitement est tout un poids pour l’enfant atteint et sa famille et souvent
les adultes stoppent la diète et en subissent des séquelles.
Tant que l’INESSS et le ministre de la Santé du Québec ne
changeront pas les méthodes d’évaluation de la valeur thérapeutique des
médicaments orphelins et qu’ils n’appliqueront pas autrement les critères pharmacoéconomiques,
les personnes atteintes de maladies rares auront peu d’espoir d’avoir un accès équitable
à des traitements sécuritaires approuvés. Pourquoi ces dernières seraient-elles
traitées différemment des personnes atteintes de maladies communes?
Le RQMO a écrit une lettre au ministre de la Santé et des
services sociaux, le Dr Réjean Hébert, à ce sujet. Voir communiqué de presse :
Qu'en pensez-vous? Laissez un commentaire ci-dessous.
Informations supplémentaires :
Pour consulter les décisions concernant les médicaments
mentionnés dans ce blogue, voir le site de l’INESSS : Médicaments
évalués, liste du 3 juin 2013
Pour en apprendre plus sur le Processus et les critères d’évaluation
de l’INESSS
Politique du médicament du Québec, 2007, voir page 30 :
L’accessibilité
aux médicaments dans des situations particulières. Les médicaments et les
maladies métaboliques héréditaires rares.